Les grands anciens nous parlent d'outre tombe.
S'il est facile pour l'amateur d'amputats(1) romanesques de mettre la main sur un exemplaire du Pied de momie, nouvelle fantastique de Théophile Gautier et de le poser sur sa table de chevet car, depuis1840, cette nouvelle ne cesse d'être rééditée, — en revanche, je ne dois qu' à un hasard prodigieux et la généreuse amabilité d'un éminent lexicographe normand contemporain d'avoir eu entre les doigts La Main embaumée d'Adrien ROBERT, qui fut publiée dans son recueil Contes fantasques et fantastiques (Charlieu frères et Huillery, Paris, 1867), avec des illustrations de Horace Castelli.
Mes mésaventures personnelles, racontée par le romancier Robert VINCENT, en particulier dans Un Havre de paix éternelle (mon pied gauche y est coupé), et Les Dames Mortes, deux romans parus aux éditions Corlet en 2010, puis la lecture de la Main noire du même (éd. Ravet-Anceau, 2013) où heureusement, je n'apparais pas, enfin plus récemment la sortie de Satanic baby! (à paraître le 16 février 2015 aux éditions Ravet-Anceau), sorte d'apogée de mes malheurs, me rendent sensible à ce qu'il advient de ces morceaux privés de corps.
La voici, cette main, avec en prime l'extrait du conte qui la décrit :
On devine à lire la dernière phrase que cette main coupée ne restera pas inerte jusqu'au bout du conte. On a raison et un détail d'une illustration de Horace Castelli (entre les pages 22 et 23 du recueil) le montre bien :
"De cette infernale drogue mercurielle, dont l'effet devait être mortel pour la malheureuse enfant, la main morte avait composé un calmant souverain."
Le jeune docteur Johann Mireveld, débauché et endetté, médecin comme son beau-père décédé, a résolu de se débarrasser par empoisonement médicamenteux de sa jeune épouse après qu'il eut rencontré une chanteuse étrangère. Il a rédigé deux ordonnances : une pour tuer sa femme, l'autre pour l'apaiser, lui. Pendant son sommeil, la main du docteur Van Beyren, père prévoyant et visionnaire qui avait pris la précaution de faire sectionner et embaumer sa main vingt-quatre heures après sa mort, intervient, corrige les prescriptions, sauvant ainsi sa fille et la libérant définitivement de son misérable mari. On crut à un suicide de la part de ce dernier. Voilà un bel exemple de main secourable!
Note 1 . "amputat" : nom masculin, néologisme de votre serviteur pour désigner un membre ou une partie saillante du corps séparée de l'ensemble par amputation.